Note : Cet article présente mon expérience à Shiga Kogen. Si vous cherchez surtout des informations pratiques sur travailler en station de ski au Japon, je vous invite à lire cet article.
En français, on dit “Faire d’une pierre deux coups” ; les japonais utilisent eux l’expression 一石二鳥 (isseki ni chou), littéralement une pierre, deux oiseaux. Vous remplacez le chiffre “deux” par un nombre bien plus grand et cela résume bien ces 3 mois et demi de travail en station de ski.
Comment j’ai trouvé ce travail ?
Quand j’ai réfléchi à mon année au Japon, je n’avais pas envisagé de travailler en station de ski. D’autant plus que je n’ai jamais travaillé dans ce milieu. Pourtant, je suis clairement attiré par la montagne, que ce soit l’été avec l’escalade ou la randonnée, ou l’hiver avec le ski de randonnée. Donc vivre plusieurs mois en montagne ne me dérangeait pas, bien au contraire !
Un peu par hasard, j’apprends que la poudreuse au Japon est mondialement réputée. Légère, en quantité abondante, c’est le paradis du skieur et du snowboardeur ! Ce serait donc bien bête de passer à côté… Mais, entre le transport, l’hébergement, les vêtements, la location du matériel, tout ceci a un coût. C’est là où je me dis “Tiens, me débrouillant en anglais, est-ce qu’il serait possible de travailler en station ?”. Je cherche donc sur Google “work ski japan” et tombe sur les sites de SkiJapan et BoobooSki, avec des offres variées allant du moniteur de ski au serveur, en passant par pisteur ou réceptionniste. Tous les niveaux de japonais étant représentés, je décide de tenter ma chance.
Mettant pris trop tard pour SkiJapan, je contacte BoobooSki dès début août. Boobooski est une société australienne chargée de recruter des étrangers pour les stations de ski (Nagano, Hokkaido) et balnéaires (Okinawa) au Japon. Après un entretien téléphonique (en anglais) sur Skype assez bref, je reçois une semaine après un mail m’indiquant que je fais parti des recrutés \o/ Durant les mois suivants, je reçois divers mails m’informant de l’avancée des recrutements. L’intitulé de mon poste est précisé vers fin octobre et la confirmation définitive du poste fin novembre. Je serai donc “Restaurant Assistant” chez Prince Hotel à Shiga Kogen (préfecture de Nagano) avec un contrat de mi-décembre à fin mars (toute la saison en fait).
Trajet jusqu’à la station de ski
Boobooski fournit un transport aller-retour depuis Tokyo jusqu’au lieu de travail pour 10000yen. Vivant à Osaka, j’aurai pu voyager par mes propres moyens, mais entre le train et le bus pour aller jusqu’à Shiga Kogen, je dépassais allègrement les 5000yen. De plus, je voulais faire quelques achats de vêtements de ski avant, et Tokyo, à la différence d’Osaka, a de nombreux magasins spécialisés.
J’ai donc pris un bus de nuit avec juste mon sac de randonnée peu rempli. Pour me simplifier mes déplacements à Tokyo, j’ai envoyé mon sac principal par takyubin directement à ShigaKogen. Mes achats de vêtements de ski ont été fait à la rue Yasukuni.
Le lendemain Grant, coordinateur chez Boobooski, s’occupe du groupe à destination du ShikaKogen. Dans l’ordre, on a : transport en minibus, arrêt en centre commercial pour quelques emplettes de dernière minute, passage à la mairie pour l’enregistrement de l’adresse, signature des contrats de travail avec un employé de Prince Hotel et obtention des cartes de cantine et de pointage.
Le travail
Le complexe hôtelier est composé de 3 bâtiments (西、南、東 ; nishi, minami, higashi ; ouest, sud, est). De la mi-décembre à début mars, j’ai été affecté au restaurant hôtelier de l’aile est, le plus chic des trois, avec un service à la table pour le service du soir. Deux cuisines sont proposées : une japonaise (和食, washoku) et une franco-italienne (洋食, yöshoku).
Le matin et le midi, le service est de type buffet. Ce n’est pas la partie la plus intéressante, car il n’y a pas beaucoup d’interactions avec les clients. Mais après quelques semaines, j’ai pu m’occuper de la partie boisson où il faut savoir lire les tickets achetés par les clients (et parfois poser 2-3 questions). Ce qui a rendu le service du midi plus intéressant que juste renvoyer les plateaux en cuisine.
Le service du soir est le plus formateur avec une interaction forte avec les clients où la maîtrise linguistique rentre en jeu. La partie cuisine japonaise étant assez complexe (surtout côté vocabulaire), je n’ai servi que pour la partie cuisine occidentale. Avec beaucoup de plats écrits en katakana, la lecture et la compréhension sont facilitées.
Chaque entre-service est rythmé par la préparation de salle avec des meubles ou stands à déplacer, des tables à dresser ou du ménage à faire. Également de la gestion de stock ou plus basiquement ranger la vaisselle en cuisine. Bref, il y a toujours quelque chose à faire !
Ayant déjà servi de temps en temps en restaurant à Kobe, je connaissais quelques expressions japonaises utiles en restaurant. Mais j’ai du vite étoffer mon vocabulaire afin d’être plus autonome dans mon travail. Heureusement que les premiers jours étaient calmes (pas de service le midi), ce qui m’a permis de discuter avec mes collègues, d’apprendre le métier de serveur et de mémoriser la carte en japonais. J’avais toujours sur moi un carnet et un stylo pour prendre des notes, et ainsi avoir des aides-mémoires pour les phrases clés ou le menu en japonais. Régulièrement, quand j’avais un instant de libre, je révisais mes kana ou écrivais des kanji sur ce même carnet.
Passé la période de rush des congés de fin d’année, j’ai augmenté mon répertoire d’actions. Prise de commandes des clients, de temps en temps interprète anglais/japonais, servir les boissons au service du midi en lisant les tickets écrits en katakana/kanji. Bref, c’est toutes les semaines de nouvelles choses à apprendre, que ce soit linguistique ou dans la façon de servir ou de préparer la salle.
Début mars, l’aile Est a fermé pour maintenance annuelle. J’ai donc été réaffecté au restaurant de l’aile Ouest. Salle nettement plus grande, mais uniquement en self-service, ce nouveau poste paraissait moins intéressant à première vue. Mais ce restaurant possède un bar avec une carte plus conséquente, et surtout une caisse enregistreuse ! Immédiatement, je prends l’initiative d’observer mon collègue et ainsi d’apprendre en une demi-journée comment utiliser la caisse (uniquement en japonais !) et comment préparer les boissons (bières, saké, vins). Le tout un samedi, le service le plus chargé de la semaine ! Par la suite, j’ai eu la charge du bar à chaque service. Seuls les paiements par carte bancaire étaient effectués par un collègue (ce qui était assez rare).
Les horaires
Un créneau est de 9h (il n’y a pas de 1/2 journée), dont 1h de pause non payée (en général 30min de repas et 2*15 min de pause). Tout le monde pointe (à la minute), donc pas de soucis en cas de travail supplémentaire. Et en 3 mois et demi, je n’ai pas eu une seule fois à réclamer une pause oubliée ; les chefs d’équipe ont été exemplaires sur ce point. Côté jour de repos, parfois je travaillais 3 jours d’affilée, parfois 7 jours non stop. Assez variable donc. J’ai demandé une seule fois un jour de congé spécifique afin d’assister à un festival.
Le restaurant étant ouvert de 7h à 21h, les créneaux sont de différents types : matin + midi, matin + pause de 4h + soir, après-midi + soir. Mon préféré étant le dernier, car il permet de skier le matin et ensuite d’aller travailler. Coup de chance, c’est celui qui m’a été essentiellement affecté au début :) Par la suite, j’aurai eu tous les horaires possibles. Les week-ends et jour fériés, il était fréquent de faire un créneau de 11h. Et d’enchaîner le lendemain matin à 6h…
Logement, repas, ski, shopping
Prince Hotel fournit un logement à l’ensemble de ces employés (200yen / nuit). Ce sont des dortoirs de 4 lits, homme/femme séparés (interdiction absolue d’entrer dans un autre dortoir), réservés au personnel du resort, équipés d’une laverie et de plusieurs salles de bain commune. Il existait quelques années auparavant une salle commune mixte pour les employés, mais elle a malheureusement été supprimée :(
Côté repas, l’hôtel est pourvu de cantines réservées aux employées. C’est ainsi l’occasion de croiser les collègues d’autres services (réception, tickets, remontées mécaniques). Les repas sont assez variés, avec une qualité variable (qui dépend pour partie du cuisinier du jour). Riz, soupe miso et thé sont à volonté. Le prix des repas varie de 180yen à 300yen.
Deux fois par semaine, l’hôtel fournit une navette gratuite afin d’aller au centre commercial (Aeon) de la vallée. C’est l’occasion de faire un peu de shopping, de manger autre chose et de retirer quelques yen. Bien sûr, il arrive parfois que les jours de repos ne tombent pas sur les jours de la navette. Il faut donc prendre le bus (~1000yen l’aller/retour). L’avantage est que les horaires sont plus souples et permettent de rester plus longtemps.
Apprentissage du snowboard
Bien que je fasse beaucoup de ski en France, je n’avais fait du snowboard auparavant. Je voulais donc profiter de ce long séjour en montagne afin de m’y mettre.
Par chance, un collègue du restaurant fait à peu près la même taille que moi. Il m’a donc laissé utiliser sa planche quelques demi-journées. Après avoir regardé quelques vidéos sur youtube et trouvé une pente calme à côté du dortoir, j’ai reproduit les exercices de base en remontant à pied la pente. Ce qui m’a permis en deux semaines de tenir correctement sur la planche et d’enchainer quelques virages.
Par la suite, je louais du matériel à la station et j’utilisais les remontées mécaniques. Parfois tout seul, parfois avec quelques collègues de la station, selon nos jours de repos ou horaires de travail. Comme les jours de repos sont essentiellement en semaine quand il y a peu de clients, on peut profiter des pistes en évitant la foule :)
Les collègues japonais
Sans hésitation l’élément le plus important ! Une confiance acquise dès les premiers jours, l’envie de m’intégrer au groupe, et au moins une personne parlant bien anglais pour le début. Voici les ingrédients qui m’ont fait débuter cette expérience au mieux.
Je n’ai pas compté mes heures de sommeil les première semaines (ni les suivantes d’ailleurs ^^) afin de profiter de chaque instant avec eux. Avoir un collègue parlant très bien anglais m’a bien aidé au début, car étant novice comme serveur et mon niveau de japonais étant bien bas, ses conseils ont été plus que précieux. Et une anglaise dans un autre service a également pu avoir une collègue japonaise parlant couramment l’anglais.
L’izakaya (bar japonais) reste bien sûr le meilleur endroit pour discuter après le travail.
Côté finance
Bonne surprise de ce côté car j’ai gagné plus qu’anticipé :D
Alors que Boobooski annonçait un salaire (taxes, frais de dortoir et de cantine déduits) aux alentours de 110000yen / mois, j’ai reçu autour de 170000 yen / mois. L’explication est simple et tient en deux points. En premier, mon contrat indiquait des semaines de 40h, mais j’ai eu en moyenne des semaines de 50h. Et en deuxième les taxes qui normalement sont de l’ordre de 20% n’auront été que de 1-2% (j’ai demandé à des collègues japonais et eux aussi avaient un taux plus bas que d’habitude). Allez voir la FAQ pour plus de détails.
Enfin on rajoute le peu de distractions aux alentours et les passages en ville assez rares, j’ai ainsi peu dépensé en boissons ou sorties. Soit on allait à l’izakaya après le service (ce qui nous laissait rarement plus d’une heure pour en profiter), soit on prenait la voiture pour faire un karaoké ou un restaurant bon marché.
Côté ski/snowboard, le forfait est offert par la station (mais n’est fourni qu’après le jour de l’an). Et on peut louer un ensemble chaussure/planche pour 1000yen par jour.
Bilan personnel
Japonais, anglais, serveur, barman, snowboard, cuisine japonaise, vie à la montagne, rencontres ; ces 3 mois et demi auront été un concentré d’aventures et d’expériences nouvelles. Boobooski annonce sur leur site an experience of a lifetime. Cela peut paraître un poil prétentieux, mais en effet ce fût un hiver unique !
J’étais venu avec 3 objectifs majeurs : vivre en travaillant avec des japonais, progresser en japonais et apprendre le snowboard. Et c’est carton plein !
L’élément clé est d’être tombé en restaurant avec une équipe 100% japonaise et avec service aux clients. Alors que je n’avais aucune expérience en tant que serveur, mon équipe m’a tout de suite fait confiance et m’a mis devant le client dès les premiers jours. Être arrivé avec quelques notions de japonais (se présenter, compter) n’y est certainement pas étranger. Mais quand j’y repense, je devais faire comme tout le monde. Il n’y avait pas de traitement particulier parce que j’étais l’étranger. Bien sûr quand il y avait des clients étrangers, j’étais souvent en charge de ces tables.
Bien sûr, rien n’a été parfait dès le premier geste ou la première phrase prononcée en japonais. Et la barrière de la langue a été présente à chaque instant. Mais en observant, en écoutant attentivement et en étant ouvert aux remarques, on progresse vite. Chaque semaine, j’ai appris de nouvelles choses, que ce soit sur le service ou en japonais, et j’ai pu ainsi ainsi être autonome sur de plus en plus de postes.
Bref j’invite tout le monde à tenter cette expérience durant son PVT Japon ! Et bosser votre japonais avant de venir ; l’expérience n’en sera que meilleure :)