Cela faisait de nombreuses d’années que le GR20 faisait parti de ma liste des projets montagne à réaliser. Long de 180 km et cumulant 11 000 mètres de dénivelés positif, c’est un beau projet comme on dit !
Je souhaitais le faire avec 1 ou 2 compagnons de marche, mais les incompatibilités d’emploi du temps avec certains et les soucis de santé d’autres font que je réaliserai ce projet en “solo”. Je mets ici solo entre guillemets car en attirant 30 000 marcheurs chaque année, on n’est jamais seul bien longtemps sur ce GR.
Le tracé officiel est du nord au sud, mais beaucoup de personnes le parcourt dans le sens inverse. Des arguments sont en faveur de ce sens : soleil plutôt dans le dos, ce qui évite d’être aveuglé et donne un meilleur éclairage pour admirer les paysages ; partie sud moins accidentée permettant une démarrage plus en douceur de la randonnée ; moins de personnes le faisant dans ce sens.
Le projet est donc donc de parcourir le GR20 en 10 jours du sud au nord en partant de Conca, en apportant une tente, les repas du matin et du midi et de profiter de l’hospitalité corse dans les refuges (ou bergeries) pour les repas du soir.
Préparation
Ayant l’habitude de faire de la montagne, je n’ai pas eu besoin de m’équiper particulièrement pour cette randonnée. Juste une nouvelles paires de chaussures achetées 1 mois avant pour éviter d’avoir de la casse durant le trajet.
Pour garder un sac le plus léger possible, j’ai calculé les portions à emporter pour les matins et en-cas. J’arrive à un peu moins de 3.5kg pour ce point. Je me limite à mon sac de 36L habituel et j’arrive à un sac au départ autour de 15kg. Un poil lourd diront certains, mais je ne voulais pas réinvestir dans un sac de couchage ou une tente.
D’habitude je randonne sans bâtons. Mais vu la distance et le sac à porter tous les jours, je les ai pris pour cette fois. Au pire étant rétractables, ils resteront attachés au sac.
J1: Conca -> Bavella
On est le dimanche 25 août. Première journée de ce GR20 avec un départ à 6h à la frontale depuis le camping A Tolla de la Tonnelle. Après être passé devant le panneau indiquant Arrivée du GR20, c’est parti pour 10 jours de marche ! Les dernières habitations de Conca m’accompagnent avant de quitter le bitume et de m’engouffrer dans le maquis.
Le jour se lève. La montée est agréable. Les sensations sont bonnes et le portage est tout à fait supportable. Au bout de quelques heures, je croise les premiers marcheurs finissant cette randonnée. Certains ont le sourire, mais d’autres ont le visage et le corps qui accusent les nombreuses heures de marche.
Je passe devant le refuge Paliri où je salue son gardien reconnaissable à son pendentif en forme de guitare. A noter qu’un chien nommé “vagabond” passe son temps à faire l’aller-retour entre ce refuge et Conca.
J’arrive vers 12h30 à Bavella. Le bivouac n’est pas possible à cet endroit, je passerai donc la nuit en dortoir. Je fais la rencontre d’autre marcheurs venant du nord et nous mangerons ensemble au restaurant de l’auberge ce soir là. Au menu, soupe corse (au porc), côte de porc accompagné d’un gratin de pommes de terre et flan aux oeufs.
Mon dortoir est occupé par un groupe de 10 personnes accompagné de leur guide qui partiront vers le nord avec un lever à 4h ! Voulant rattraper un peu mon retard, je discute avec le guide qui me conseille d’effectuer ma prochaine étape aux bergeries de Croce (comme son groupe). Je mets mon réveil plus tard qu’eux quand même ;)
J2: Bavella -> Bergerie de Croce
Je me rendors après le départ du groupe occupant mon dortoir, mais je rate mon réveil. Je partirai donc à 7h (au lieu de 6h prévu).
J’attaque cette étape par la variante passant par les aiguilles de Bavella. La montée est raide, le rocher est excellent et ne présente pas de dangers notables. Sur l’autre versant, une chaîne (sur une vingtaine de mètres) est présente pour protéger la descente empruntant une dalle. Je rencontre un belge (Gérald) effectuant pour cette journée l’aller-retour avec Bavella. On fait un bout de chemin ensemble, qu’il filme pour son ami blessé ne pouvant faire cette randonnée.
Je passe à côté du refuge d’Asinau et je retrouve mon groupe du dortoir avant le col Stazzunara. Je profite de la vue en haut du col et je continue de discuter avec le guide (Fabien) qui vient du continent. La conversation dérive vers l’escalade quand j’apprends qu’il passera son initiateur escalade à la rentrée.
L’ensemble des marcheurs arrive vers 15h, juste avant un gros orage qui éclate vers 16h. Comme tout orage de montagne, celui-ci est intense pendant 30 bonnes minutes, puis il laisse sa place au soleil. A côté de ma tente se trouve un couple allemand avec ses 2 enfants faisant la partie sud. Il préfère venir ici car il trouve cette randonnée plus sauvage et nécessitant moins d’organisation comparé à ce qu’ils peuvent avoir dans les Alpes chez eux ou en Autriche.
Le repas du soir sera saucisson, lasagne à la viande, fromage et orange.
J3: Di Verde
Le soir précédent, Fabien me conseille de passer les refuges d’Usciolu et de Patri, et de rallier directement Di Verde. La météo est annoncée à l’orage pour la fin de journée, mais la partie entre Patri et Di Verde étant sous les arbres, la fin est faisable sous la pluie.
Le départ (à 6h cette fois-ci, avec la frontale) s’écarte de l’itinéraire officielle pour rallier plus rapidement la variante est de cette partie du GR. Je prends le chemin en direction du lieu-dit Cavallara, puis je suis le ruisseau de Cavallare jusqu’à rejoindre la variante. Cette partie est roulante et me permet d’avancer à un bon rythme pour prendre de l’avance sur ma journée.
La crête d’Usciolu est assez technique avec l’itinéraire qui oscille plusieurs fois entre les 2 versants. La progression est bonne sous un ciel légèrement voilé permettant de profiter du paysage à chaque instant. J’arrive au refuge d’Usciolu vers 11h30. Le chemin se poursuit au-dessus du refuge pour ensuite redescendre au col de Laporo (qui croise le sentier Mare a Mare). La descente est assez cassante et les batons permettent de bien soulager les genoux.
La suite est une longue montée jusqu’à Prati avec quelques passage nuageux. La montée se poursuit légèrement après le refuge, puis s’ensuit une longue descente monotone dans la forêt masquant tout paysage jusqu’au col de Di Verde que j’atteins à 17h.
Le temps de poser ma tente à côté d’un groupe venu de Suisse, de prendre une douche et de faire une rapide lessive, le repas est servi. Ce soir, ce sera salade composée, côte de porc rôti au feu de bois accompagné d’un gratin de courgettes, fromage et mousse au chocolat.
J4: Vizzavona
Mon plan pour cette journée est de passer par la variante alpine qui passe par la crête de Pietradione qui longe le Monte Torto et le Monte Renoso. Cette variante, bien qu’un peu technique, permet d’avoir un panorama bien plus qu’agréable que l’itinéraire habituel qui passe dans la forêt.
Je pars à 6h avec le groupe suisse, puis on se sépare au départ de la variante. La suite se passe vers les bergeries de Pozzi qui ouvrent sur des pelouses tourbières parcourues par des ruisseaux tortueux ; la carte postale est magnifique. La navigation est cependant moins agréable à partir de là. La carte indique de monter en direction du col de Pruno, mais nul marquage pour indiquer par où passer. Après des hésitations, je sors le GPS pour m’aider, mais finalement je monte pleine pente au milieu des traces de vaches.
La crête offre une très belle vue sur les lacs de Rina et de Bastani, tout en proposant un paysage lunaire parsemé de rares touffes d’herbe. La route est assez évidente, mais cette variante n’est pas marquée. Juste quelques cairns indique la direction générale. J’ai relevé 2 passages techniques un peu engagé qui nécessitent d’être attentifs. Je n’aurai croisé personne sur cette variante, à l’exception de biquettes blanches et noires.
Après cette traversée, la descente longeant le lac de Bastani me fait arriver à la station de Capannelle à 12h20. Avec la variante, je ne suis pas en avance sur mon horaire. J’ai juste le temps de faire le plein d’eau et me voici reparti dans la direction de Vizzavona. Après une assez rapide montée suivie d’une descente aussi courte, la suite se passe dans la forêt. Les nuages se font menaçant, le tonnerre gronde par endroit et le vent annonçant l’orage arrive. Cela ne loupe, à 14h40 un violent orage éclate. Par chance, j’étais à proximité de la bergerie d’Alzeta et j’ai pu m’abriter pendant les 30 minutes. Un groupe de marcheurs s’est joint à moi, alors que d’autres continuent leur marche sous l’averse orageuse.
La suite se passe aisément. J’utilise une partie de la variante pour rallier la ville plus rapidement que j’atteins vers 17h. Je retrouve le groupe suisse et le groupe français croisé à Conca, parti l’après-midi avant moi le premier jour.
La météo reste pluvieuse en soirée et nous choisissons le restaurant pour notre repas. Pour ma part, ce sera burger corse (chèvre + porc) et Pastizzu en dessert (flan avec du pain).
J5: Onda
Je pars à 6h20 du camping. La montée se passe dans les blocs de pierre bordant le cours d’eau. Le rythme de ce matin est lent, avec un talon droit douloureux (mais pas d’ampoule). La sortie du vallon permet d’avoir accès au panorama et la montée vers la pointe Muratello est plus rapide. Je fais une partie de cette montée avec une Autrichienne qui bifurque vers l’est afin de faire le Monte d’Oro.
Après une descente bien cassante, j’arrive aux bergeries de l’Onda vers 12h30. La zone de bivouac est dans l’enclos pour les brebis, ce qui permet de profiter d’une belle aire herbée. Les randonneurs sont donc parqués, tandis que les animaux pâturent tranquillement aux alentours. Le confinement avant l’heure ;)
Cette bergerie n’a pas failli à sa réputation pour son repas. Les dames sont en cuisine, tandis que les hommes sont au service. Le plat principal est une généreuse lasagne végétarienne à base d’épinards. Un régal !
J6: Managanu
Je pars avec Yannick et Tifanie vers 6h30. Après être remonté sur la crête à la frontale, nous suivons l’itinéraire en direction du refuge de Petra. Avant d’arriver à ce refuge, nous tentons de rester sur la crête pour éviter de faire un détour en passant devant. Cette alternative fut peu efficace à cause de la recherche d’itinéraire.
La suite permet d’admirer les lacs de Melo et de Capitello. On croise beaucoup de monde venant du nord. Et également pas mal de monde est en bas au niveau de lac. En effet, ces lacs sont acessibles avec une randonnée à la journée depuis la bergerie de Grottelle.
Le plan initial était de pousser jusqu’à la bergerie de Vaccaghia, mais après renseignement, il apparaît que cette bergerie ne propose pas d’accueil. J’arrive un peu après Yannick et Tifanie au refuge de Manganu, juste avant l’orage. Certains trailleurs font fi de cet orage grondant et poursuivent leur ascension vers les crêtes disparaissant dans les nuages. Chacun sa course …
La zone de bivouac est bien rempli ce soir là. A 18h, on se croirait à un after work à la sortie des bureaux ! Cela n’empêche pas le gardien d’être sympathique. Je partagerai le repas ce soir-là avec Yannick et Tifanie.
J7: Bergerie de Ballone
Grosse étape ce jour là où il est prévu de doubler Castellu di Vergio et Ciuttulu di i Mori afin de s’approcher le plus possible du Monte Cinto pour l’étape suivante.
Le départ est donné à 5h30. Après être passé devant la bergerie de Vaccaghia (qui était effectivement non gardée), la traversée des plaines bordant le lac de Nino est magnifique sous le soleil levant. Cette partie est très roulante et on croise de nombreux vaches et chevaux en liberté.
La suite se passe en forêt sans difficulté particulière. Après une pause rapide à Castellu di Vergio, je perds un peu de temps sur la suite de l’itinéraire où plusieurs sentiers annexes se croisent. Après avoir passé la cascade de Radule, le ciel se fait de plus en plus menaçant. J’avais prévu de couper en dessous du refuge de Ciuttulu pour gagner du temps, mais je préfère finalement suivre le balisage. J’ai droit à une averse de grêle, mais pas d’orage à ce moment-là. Je profite de l’éclaircie pour passer le col et de descendre vers Tighiettu. Une pluie fine m’accompagne dans la forêt, tandis que l’orage gronde sur les sommets alentours.
J’arrive à la bergerie de Ballone accueilli par un gérant peu sympathique. Mais la cuisine est bonne. L’aire de bivouac est très caillouteuse. Et avec la pluie, elle n’offre pas beaucoup de zones pour poser sa tente convenablement.
J8: Asco
Nous sommes un bon petit groupe à partir ensemble ce matin là à 5h où nous naviguerons pendant près de 2h à la frontale. Après une légère erreur d’orientation où nous étions sur le début de l’itinéraire du Cirque de la Solitude, nous poursuivons la montée à un rythme lent mais régulier. Nous arrivons à la pointe des Éboulis vers 8h. Certains laissent leur sac pour poursuivre vers le Monte Cito. J’attaque directement par la descente de mon côté. Cette descente est longue, dans de nombreux pierriers. Mais elle se déroule sans le soleil sans encombres. Nous marquons une pause avec certains pour une baignade rapide dans l’eau (très !) fraîche.
Nous arrivons vers 11h15 à la station de ski de Asco. L’aire de bivouac s’étale les pentes de ski, à côté du tire-fesses. Le repas du soir se fera dans l’un des restaurants de la station.
J9: Carrozu
Les étapes suivantes étant plus courtes, je ne mets plus de réveil. Je pars donc vers 7h30 ce jour-là. Dans la montée, je récupère Aline qui était en perte de motivation pour finir ce GR20. Je croise également Yannick et Tiffanie qui prennent leur temps aujourd’hui. Je fais la descente avec Aline. Le secteur est très joli et offre de multiple points de vue. Chacun se baignent au niveau de la passerelle avant d’arriver au refuge de Carrozzu. C’est la journée détente :)
La zone de bivouac est blindée, dans la forêt, rendant l’ensemble peu agréable. Une grosse averse à 18h ne vient pas aider à la situation. Le gardien arrive trempé au refuge car il était parti décoincer des randonneurs bloqués par le torrent en crue à proximité du refuge.
Le repas du soir (qui sera fait en 3 services vu le monde) est une soupe, des pâtes en sauce et du gâteau au chocolat.
J10: Ortu
Je pars vers 7h15 avec un camp déjà bien vidé. La montée se fait le long d’un cours d’eau avec un passage à gué (qui aura empêché d’autres randonneurs de rejoindre le refuge par l’itinéraire habituel le jour précédent).
La suite est un peu plus technique, avec les nuages s’accrochant régulièrement aux cîmes et aux randonneurs. Je retrouve le reste du groupe dans cette partie. Le passage par un col me permet d’accrocher du réseau et d’envoyer mon dernier texto sur le GR20. Le ciel se dégage dans la descente, qui est longue et fatigante avec de nombreux rochers charriés par d’anciens cours d’eau.
J’arrive vers 12h30 au refuge de l’Ortu. Le gardien est amical, l’aire de bivouac est étendue et peu peuplé au milieu des brebis. Le coucher de soleil est superbe avec de légers voiles nuageux venant compléter le tableau. Une carte postale magnifique pour finir ce GR20 !
J11: Calenzana
Dernière étape avec un départ un peu avant 7h. j’ai peu dormi ce soir-là à cause d’un vent fort et d’une installation dans la pente. La descente se fait plutôt sur les rochers au début, puis à l’amorce de la forêt, elle devient très roulante. Elle est ponctuée par 2-3 légères montées.
On aperçoit Calvi assez vite, puis qui disparaît de l’horizon avant de réapparaître plus loin. Le bas de la forêt est calciné suite à un incendie en février 2019. J’aide un Australien dans la descente qui s’était planté une épine dans le pouce.
J’arrive à Calenzana vers 11h et je retrouve le groupe au bar en train de manger croissants et café. On prend une bière vers midi, puis direction un restaurant avec un menu très copieux, plus que nécessaire vu la dépense énergétique du jour.
Après ce repas, un taxi nous dépose au camping de Paduella à l’entrée de Calvi. Après une baignade dans la mer, le repas sera composé ce soir-là de pizzas et de rosé, bienvenue après ces jours de montagne.
Calvi
Dernier jour en Corse avec une visite de Calvi avant de retourner sur le continent.
Je commence ma balade en passant par les plages bordées par une ligne de chemin de fer à sens unique. En arrivant dans la ville et après être passé devant la tour génoise, je monte dans la citadelle qui offre une belle vue sur la mer, bien plus claire que celle qu’offrait la plage le soir précédent.
Après un passage à la pointe de San Francesco, je flâne dans les rues en achetant quelques souvenirs comme un t-shirt du GR20 et quelques gâteaux sucrés à offrir.
Puis retour au camping pour récupérer mon sac et direction l’Ile Rousse par le train côtier. Après une courte ballade dans les rues d’Île-Rousse, il me reste à prendre le ferry rejoignant Marseille et à admirer le coucher de soleil depuis le pont.